SDHi : P. Rustin écrit à l’ANSES

  • Pierre Rustin est directeur de recherche au CNRS, dans l’unité de recherche Inserm UMR1141, à l’hôpital R. Debré, à Paris. Il a initié en avril 2018 une tribune dans Libération co-signée par une dizaine de chercheurs de renom spécialistes de ces questions pour alerter les pouvoirs publics de la dangerosité des fongicides SDHi (voir notre rubrique ici) et demandant la suspension de toute urgence de leur autorisation (voir la tribune ici).
  • Neuf mois plus tard, le 15 janvier 2019, la réponse de l’ANSES est parue sous forme d’un avis. Il y est affirmé que “les conditions d’une alerte sanitaire ne sont pas réunies” et que les travaux examinés par ses experts « n’apporte[nt] pas d’éléments en faveur de l’existence d’une alerte pour la santé humaine et l’environnement en lien avec les usages agricoles de ces fongicides ». 
  • Pierre Rustin a pris la plume ce 13 septembre, pour s’adresser publiquement à M. Genet, le directeur de l’ANSES. Nous publions de larges extraits tant la situation dénoncée par les chercheurs nous semble gravissime. L’intégralité de la lettre ouverte peut être lue ici).

Lettre ouverte à M. le Président de l’Anses, 

“Monsieur Genet, vous me permettrez de rectifier quelques-unes des erreurs que vous avez commises – sans doute par ignorance – dans vos récentes affirmations concernant l’affaire des SDHI. 

Ainsi, vous prétendez que l’Anses soutiendrait certains travaux de recherche sur les SDHI (succinate dehydrogenase inhibitors) à la tête desquels se trouveraient des scientifiques et des médecins qui ont initialement lancé l’alerte concernant ces fongicides. C’est faux. Les co-signataires de l’alerte sur les SDHI et la consultation du site de l’Anses vous confirmeront l’évidence : aucun projet de recherche n’est en pratique démarré à ce jour. Seules des discussions ont ou ont eu lieu … En tout état de cause de telles études auraient évidement dû précéder et non suivre l’autorisation de mise sur le marché de ces poisons. Nous sommes donc loin, très loin du compte ! “

Conférence sur les SDHi du Pr Rustin à l’invitation de l’association “Ouvrir les yeux”
en mai 2018. En ligne ici

“Vous me reprochez de ne pas avoir transmis à l’Anses les éléments de preuve de la toxicité des SDHI sur l’homme. Cette demande – je l’espère – relève d’une méconnaissance de ce que sont les maladies mitochondriales. En effet, comment ignorer la grande latence intervenant entre un blocage partiel du fonctionnement des enzymes de la chaîne respiratoire – soit l’effet attendu des SDHI – et l’apparition de pathologies associées ? Cette latence est bien connue des spécialistes dont nous sommes de ces maladies, et amplement documentée par des dizaines de publications.”

Docteur en enzymologie et ingénierie des protéines, habilitation à diriger les recherches (Paris-Sud Orsay)

 “Permettez une illustration de ce phénomène : bien que présentes dès la conception, les dysfonctions de la chaîne respiratoire observées dans les maladies génétiques peuvent mettre jusqu’à vingt, voire trente ans à apparaitre chez les personnes atteintes. Un éventuel empoisonnement de la chaîne respiratoire par les SDHI mettra donc de très nombreuses années, des dizaines probablement, avant d’avoir une traduction pathologique. Vu le caractère partiel de l’inhibition le SDH telle qu’on peut l’attendre d’une lente imbibition par les SDHI, on peut raisonnablement prédire l’apparition ou l’accélération de pathologies neurologiques, type Parkinson et Alzheimer. Seule une grande malhonnêteté scientifique pourrait conduire à soutenir un autre point de vue. …/…”

Mitochondrion (standalone version)-fr

“Comme vous le savez pertinemment, nous avons établi et fourni à l’Anses, les preuves scientifiques :

  • 1) de l’évidence du danger représenté par l’usage massif des SDHI,
  • 2) de l’obsolescence totale des tests toxicologiques réglementaires demandés aux industriels et
  • 3) de la non-spécificité (ni d’espèce, ni de cible) des SDHI, en particulier de ceux de dernière génération.

Ces éléments évidement cruciaux, que nous avons exposés à l’Anses, vous les passez curieusement sous silence. …/…”

Ingénieur agronome, ex-directrice conseil au cabinet de lobbying i&e puis Burson-Marsteller i&e (14 ans), actuelle directrice de cabinet du dir. gén. (communication et relations institutionnelles) de l’Anses.

“Tous ces éléments scientifiquement fondés et fort alarmants nous ont conduit à demander – et nous réitérons cette demande – que soit appliqué d’urgence le principe de précaution et que soient reconsidérées les autorisations données à l’usage des SDHI. Le respect d’une réglementation totalement obsolète – réglementation à laquelle les firmes s’accrochent et derrière laquelle s’abrite désespérément l’Anses – ne me semble pas avoir grande valeur s’agissant du drame en cours pour la biodiversité et de la menace bien réelle pesant sur la santé humaine. 

Pierre Rustin, Directeur de Recherche CE au CNRS” 

Une petite video de “l’ami des lobbies” pourra peut être éclairer cette histoire.