Publié le 12/05/2020 ; mis à jour le 2/01/2021

Les produits « biocontrôles » sont-ils une “alternative verte” à la chimie ?

Depuis la mise en application de la loi Labbé les pesticides de synthèse ne sont plus accessibles dans les commerces pour jardiniers amateurs au 1er janvier 2019. Seuls certains produits dits de « biocontrôle » peuvent être vendus dans ces commerces et ils portent la mention EAJ (emploi autorisé dans les jardins). Ils ont été autorisés par l’ANSES et disposent d’une AMM (autorisation de mise sur le marché). Ils sont présentés comme une « alternative verte à la chimie ». Regardons cela de plus près.

Les désherbants biocontrôle

Prenons l’exemple des désherbants. La plupart de ceux qui sont proposés dans le commerce (ALEAVI, BROMORY, HERBATAK EXPRESS, WEEDOL EXPRESS, STARNET, ROUNDUP PA2, KALINA GARDEN, HERBISTOP ULTRA, RADICAL AP) contiennent de l’acide pélargonique. Lorsqu’on examine la fiche ANSES de cette famille de produits, on apprend tout de même qu’il y a une série de précautions impressionnante à prendre : 

  • Ne pas rejeter dans l’évier, le caniveau ou tout autre point d’eau, les fonds d’emballages non utilisés et les eaux de lavage du pulvérisateur.
  • Pour protéger les organismes aquatiques, ne pas appliquer à moins de 5 mètres d’un point d’eau (puits, bassin, mare, ruisseau, rivière…).
  • Eviter toute dérive de pulvérisation et de ruissellement vers les plantes voisines. 
  • Pour protéger les organismes aquatiques, ne pas appliquer sur des jardins en pente ou des surfaces imperméables situées à proximité de point d’eau telles que le bitume, le béton, les pavés et les dalles.
  • Pour protéger les eaux souterraines, ne pas appliquer ce produit pendant la période de septembre à décembre. 
  • Attendre le séchage complet de la zone traitée.
  • Ne pas diriger l’application vers les parties vertes des cultures

On apprend aussi en lisant les étiquettes de ces produits qu’ils ne doivent pas être utilisés pendant les périodes de vol des abeilles et des insectes pollinisateurs afin de les préserver. Qu’il ne faut pas traiter avant que les plantes ne rentrent en période de floraison, qu’on ne doit pas employer le produit plus de 4 fois par an, qu’il ne faut pas laisser les animaux domestiques marcher sur la zone traitée pendant 6h au moins, qu’on ne peut pas ensemencer avant 72h mais… que ce n’est pas dangereux pour l’homme. Ouf, on est rassuré !

console de désherbants “biocontrôle” de la marque Roundup en grande surface

Qu’est-ce que le biocontrôle ?

Le biocontrôle, selon le Ministère de l’agriculture, est un ensemble de méthodes de protection des végétaux basé sur l’utilisation de mécanismes naturels. Seules ou associées à d’autres moyens de protection des plantes, ces techniques sont fondées sur les mécanismes et interactions qui régissent les relations entre espèces dans le milieu naturel. Ainsi, le principe du biocontrôle repose sur la gestion des équilibres des populations d’agresseurs plutôt que sur leur éradication.

La définition du biocontrôle est inscrite dans la Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Les produits de biocontrôle sont décrits comme « des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ».

Ces produits sont classés en 4 grandes catégories :

  • Macro-organismes : concerne des organismes vivants de taille macroscopique : nématodes, insectes, invertébrés, vertébrés… Cette catégorie ne se retrouve pas dans la liste biocontrôle (qui ne compile que les produits phytos).
  • Micro-organismes : concerne les organismes vivants microscopiques (bactéries, levures, champignons, virus…).
  • Médiateurs chimiques : regroupe les molécules de communication (kairomones) ou de comportement sexuel (phéromones).
  • Substances d’origine naturelle (végétale, animale, minérale) : catégorie très vaste regroupant de nombreuses origines et nombreux mode d’action.

En quoi l’acide pélargonique est-il un produit de biocontrôle ?

Son mode d’action (qui n’est pas décrit dans cette fiche) consiste à détruire l’épiderme des feuilles des « mauvaises herbes » : les feuilles sont grillées et la photosynthèse devient impossible pour la plante visée, elle meurt. 

Sur le site de l’ECHA, l’agence européenne qui répertorie tous ces produits, la fiche de l’acide nonanoïque (nom officiel de l’acide pélargonique) contient quelques aveux.

Il y est confirmé que la substance est irritante pour les yeux, la peau, et nuisible pour la vie aquatique. Mais, concernant les mesures de précaution à prendre pour l’utiliser, on apprend que “l’agence ne dispose pas de données sur les mesures de précaution à prendre pour utiliser cette substance“. Comme il est d’usage dans ces cas, l’agence s’en remet aux recommandations des industriels qui produisent la molécule.

Celle-ci est étiquetée corrosive (comme la soude caustique ou l’acide chlorhydrique) et d’ailleurs une molécule dérivée, la 4-nonanoylmorpholine, est utilisée comme gaz lacrymogène.

Selon une étude datant de 2010, la dose létale DL50 pour les souris est de 5g par kg de souris en absorption orale et 243 mg en injection.

Ce produit n’utilise aucun mécanisme biologique (à moins de considérer que la mort est un processus biologique) et encore moins de micro-organismes. Il a été classé « biocontrôle » uniquement parce que la substance active peut être extraite d’une plante, le géranium odorant. Elle est ainsi classée « substance naturelle d’origine végétale » même si elle est produite par la chimie de synthèse qui est capable aujourd’hui d’élaborer à l’identique de nombreuses molécules qui se trouvent dans la nature. Mais être naturel n’implique pas être non-toxique et il existe de nombreux poisons naturels (l’arsenic en est un).

Dernier point réglementaire : le ministère précise que les produits de biocontrôle figurant sur sa liste « bénéficient d’allègements réglementaires supplémentaires » :

  • ils ne sont pas interdits de publicité
  • ils ne sont pas soumis aux réductions d’usage du plan Ecophyto (drastiques comme chacun sait).
  • ils peuvent être utilisés dans les espaces verts et les espaces de promenade accessibles ou ouverts au public.
  • ils restent, pour ceux d’entre eux qui portent la mention dite EAJ, accessibles en vente libre pour les utilisateurs amateurs. 
  • ils sont classés “ZNT zéro” c’est à dire qu’ils peuvent être pulvérisés par les agriculteurs au ras des habitations selon l’arrêté du 27 décembre 2019.

Ce que ne disent pas les étiquettes

On le sait maintenant, de nombreux adjuvants, solvants, co-formulants peuvent être légalement ajoutés à la substance active. Contrairement à celle-ci, ils ne sont pas obligatoirement déclarés sur l’étiquette ni lors de la demande d’AMM (autorisation de mise sur le marché). Ces produits sont parfois plus dangereux que la substance active elle-même.

Par exemple le produit de biocontrole STARNET Jardin d’Eden, vendu en grande surface par l’entreprise Jade (AMM n° 2170243), contient certes de l’acide pélargonique mais à hauteur de 51,9 % seulement, comme l’a révélé une étude récente du professeur Séralini publiée par la revue Food and Chemical Toxicology fin septembre 2020. Il contient aussi de nombreux métaux (potassium, cuivre, zinc, titane…) pour une concentration totale de 39 mg/L. Il contient surtout 17 µg/L d’arsenic, du fluorène et d’autres hydrocarbures aromatiques polycycliques (dont la plupart sont cancérigènes possibles ou probables).

Ce sont ainsi 14 désherbants sans glyphosate qui ont été analysés par l’équipe du Pr Seralini. Ces résultats révèlent la légèreté avec laquelle les pesticides sont évalués et autorisés en Europe et en France. La liste complète des adjuvants et coformulants n’est pas fournie lors de la demande d’AMM car elle est considérée comme un secret commercial par les fabricants. Un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) du 1er octobre 2019 indique pourtant que les industriels ont la charge de prouver l’innocuité de leurs produits, que l’ensemble des principes actifs doivent être déclarés et analysés tant pour leur effet isolé que pour leurs effets mélangés entre eux. C’est ce qui a décidé un certain nombre d’ONG dont Générations Futures, AMLP, Alternatiba, Confédération Paysanne, Notre assiette pour demain, Agir pour l’Environnement… à lancer une action juridique pour obtenir davantage de transparence sur la composition de tous les pesticides en novembre 2020.

La dénomination “produits de biocontrôle” ne garantit donc aucun caractère “bio”, contrairement à ce que pensent bon nombre de consommateurs.

Le conseil d’APHG

Pour désherber votre terrasse, nous vous conseillons le gros sel, voire le gros sel + le vinaigre blanc. C’est tout aussi efficace, moins dangereux pour votre santé, celle de vos enfants et animaux familiers, et beaucoup beaucoup moins cher !