Un registre national des cancers vite !

Alors que la lutte contre certains cancers comme celui du sein ont été érigés en cause nationale, la politique de prévention des cancers de l’adulte en général a de nombreux trous dans la raquette.

Les leçons de GeoCap Agri

L’enquête GeoCap Agri (voir notre article ici) réalisée par des chercheuses et chercheurs de l’INSERM, met en relation la survenue de leucémies chez l’enfant de moins de 15 ans avec la densité de parcelles viticoles autour de son lieu d’habitation.

Cette étude a montré que les cas de leucémies pédiatriques survenus à Preignac dans le Sud Gironde au début des années 2000 n’étaient peut-être pas dus au hasard. Mais elle a aussi montré tout l’intérêt d’un registre national. Sans un tel registre sur les cancers de l’enfant, l’enquête n’aurait jamais vu le jour. Il faut pouvoir, en effet, mener une étude statistique sérieuse (sur un grand nombre de cas) entre survenue de la maladie et lieu d’habitation, en caractérisant le parcellaire agricole autour de ce lieu, et tout ça sur de solides bases scientifiques.

Aujourd’hui, les chercheurs sont dans l’incapacité de reproduire une telle étude à propos des cancers de l’adulte car ce registre national n’existe tout simplement pas.

Notre courrier à la Direction Générale de la Santé

Dans le cadre de la préparation de notre colloque “Les Effets des pesticides sur la santé”, nos trois associations co-organisatrices* ont écrit à la Direction Générale de la Santé (DGS). Notre but était de rappeler que cette enquête GeoCap Agri met sur le devant de la scène l’urgente nécessité de protéger les enfants avec notamment un agrandissement des Zones de Non Traitement (ZNT) autour des écoles qui soit significatif.

En effet les distances de non traitement sont aujourd’hui de 10 m pouvant être réduites à 5 ou même 3 m grâce aux dérogations prévues par les “chartes du bien vivre ensemble”. Ces chartes qui ont été rédigées par la FNSEA dans tous les départements de France, sans aucune possibilité de modification et après des consultations bidons (voir nos articles ici ou ), ont pourtant été vivement mises en cause. Le tribunal administratif d’Orléans a annulé les arrêtés préfectoraux approuvant les chartes de cinq départements : Cher, Eure-et-Loir, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loiret. En cause ? Une restriction des zones non traitées et l’information insuffisante des personnes exposées. Voir cet article ici

Nous avons aussi profité de ce courrier pour rappeler, comme l’avait déjà fait par le passé l’association des médecins sur les pesticides, le besoin d’un registre national des cancers de l’adulte qui permettrait de comprendre l’épidémie de cancers actuelle en France.

Télécharger notre courrier à la DGS 

Pour un registre national des cancers de l’adulte

Comme le montre la cartographie ci-dessus, réalisée par le réseau français des registres du cancer (Francim), il n’existe pas de registre national unique et harmonisé en France, qui permettrait aux chercheurs par exemple d’étudier les liens entre l’environnement, le milieu professionnel et l’occurence de telle ou telle maladie.

En Gironde par exemple, au 1er janvier 2023, il n’existait qu’un registre spécialisé sur les cancers du sang et un autre sur les cancers du système nerveux central. Il n’y a que 14 départements disposant d’un registre général.

En outre, ces registres  spécialisés ou généraux, ne couvrent qu’entre 20 et 24% de la population française ! On le voit, notre système de santé publique est aveugle sur un des plus graves problèmes du moment.

C’est pour cette raison qu’une sénatrice,  Nadia SOLLOGOUB a soutenu une proposition de loi (PPL) le 7 juin 2023 au Sénat (voir ici la présentation) . Cette PPL est motivée par le fait que  le potentiel des registres est selon elle « sous-exploité, notamment dans la connaissance des liens entre cancer et environnement » et que « le panorama actuel fourni par les registres ne permet pas de dénombrer ni de localiser exactement les cas de cancers en France », « cette couverture imparfaite introduisant des biais dans la connaissance des cancers » .

Le Haut Conseil de la Santé Publique (HSCP) et l’Académie de médecine se sont d’ailleurs exprimés auparavant (ici) et () dans le même sens. On peut donc imaginer que les choses avancent… à moins que quelques lobbies ne soufflent des vents contraires. Pour l’instant (et très curieusement) c’est du côté de l’Institut National du Cancer (INCa) que proviennent les freins en raison du coût de ce registre et du fait que “le bénéfice attendu d’un registre national est faible”. L’histoire ne dit pas à combien l’INCa chiffre le coût de l’absence de prévention actuelle…

La conclusion du rapport du 7 décembre 2021 de l’Académie de Médecine est pourtant claire :

“Un registre national du cancer bien défini par son cadre juridique, conforme au Règlement Général de la Protection de Données, devrait être hébergé à l’Institut National du Cancer, doté d’un financement pérenne et enrichi des données du Health Data Hub où il pourra trouver les outils d’intelligence artificielle indispensables à une recherche de qualité.”